<h1>Noelfic</h1>

[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor

Genre : Science-Fiction , Action

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 3

Publié le 10/09/13 à 22:06:46 par Gregor

Le générateur était là. Un fut cylindrique haute de deux mètres qui laissait s'échapper une multitude de câbles, et dont un certain nombre semblaient sectionnés. Une tiédeur embrumé d'une odeur d'ozone réchauffait la pièce. Et dans un des coins opposé au seul accès, une ridicule paillasse portait la dépouille gémissante d'un homme affreusement mutilé.

- Par le Seigneur Mécanique, murmura Flinn.

Litj serra les dents. Il avait déjà vu des cadavres dans des états effroyables, mais ils ne lui avaient jamais causé autant d'effroi à la vue. Comme si leur propre mort les rendaient plus présentables, plus acceptables. L'humain blessé qui se tenait devant lui se tordait de douleur. Une plaie suppurante barré la moité de son visage. Un bras et une jambe avait disparu. Presque nu, on pouvait distinguer qu'une gangrène dévorait peu à peu son épaule gauche, tandis qu'une fine rosée de sueur perlait sur toute sa peau.

- Ils l'ont laissé agoniser... C'est une mort atroce... Litj, faite venir un cybernaute dans les plus bref délai. Je ne sais pas si nous pourrons le sauver, mais il faut essayer.
- Pourquoi, mon commandant ?

Flinn pointa un minuscule implant dissimulé à la base de la gorge du blessé.

- On ne trouve ce genre de matériel que dans la noblesse de la Confédération. Et étant donné qu'il n'y avait pas d'aristocrates sur ce monde au moment de la révolte ... Peut-être un officier capturé . Cela expliquerait pourquoi ils ne l'ont pas achevés ... Les chiens d'hérétiques.

Litj n'osait plus bouger. Il dévisageait Flinn, qui s'était figé dans une attitude fermée, le regard noir.

- Mon commandant ... Je m'occupe de faire venir ... Les secours.

Il fit le nécessaire pour établir un contact radio, mais n'obtint pour réponse qu'une soupe sonore en bruit blanc.

- La liaison est impossible mon commandant ...

Flinn soupira.

- Redirige toi vers la surface. Mais revient dès que tu auras signalé notre position. Et tant que tu y es, préviens le reste de l'unité.
- Bien, mon commandant.

Flinn entendit le pas lourd et brut de son soldat s'éloigner. La caverne redevint une antre humide et aussi sombre que la nuit. Seuls quelques diodes clignotant sur le générateur donnait une faible lueur, qui jouait étrangement sur la carapace d'acier de l'armure de Flinn. Il restait penché sur le blessé, et tenta vainement d'établir le contact avec lui, sans succès. Lorsqu'il lança un appel d'identification par onde courte, il parvint cependant à établir son identité. Un jeune engagé de vingt-sept ans répondant au nom de Guillhem de Choire, promu au grade d'adjudant, et fils du général Alfred de Choire, élevé au grade de baron par lettre patente du Très Saint Magister. "Un aristocrate à qui ils auront fait payer leurs frustrations" songea Flinn. Il avait tout intérêt à le sauver s'il voulait jouir du prestige de la mission. Cyniquement, le cas de ce triste sire pourrait presque justifier la situation dans laquelle il s'empêtrait. Les rebelles se trouvaient être en position de force par leur fuite, et ils auraient presque pû attirer le respect du commandant s'ils n'avaient pas massacré un jeune nobliau servant dans les armées. Sans grande conviction, Flinn retenta de lancer un semblant de contact par le biais de la procédure d'identification standard. Il n'espérait pas grand chose, mais peut-être que si le jeune adjudant ne sombrait pas totalement dans la folie ou l'inconscience ... Curieusement, la réponse en retour automatique s'avéra positive. Flinn songea à la merveille de cette technologie confédéré : sans avoir besoin de parler, deux individus - pour peu qu'ils possèdent les implants cérébraux adéquat - pouvaient échanger des informations avec une efficacité redoutable, sans le filtre déformant des émotions. Mais ce que Flinn perçut en lançant une salutation protocolaire dépassa son entendement.


Guillhem se sentit violé. Mentalement. Une paire de main sans délicatesse était rentré dans sa boite crânienne et avait soigneusement écrasé chaque circonvolution de son cerveau en une pulpe juteuse. Il voulut crier, mais ne parvient qu'à rendre son supplice plus douloureux. Les mains s'acharnèrent davantage, mais la douleur semblait s’atténuer. Il ne ressentait plus qu'une vague forme de chaleur, et la frénésie de cette intrusion sembla prendre du sens. Il sentait une voix se glisser en lui. Il ne comprenait absolument aucun des mots qui résonnaient en lui, mais il avait la certitude que son bourreau lui parlait. Mais cette conversation n'avait qu'un seul sens possible. Guillhem laissa le temps filer, et l'étranger alla, puis reflua, puis revint et repartit. Il tentait de lui demander de s'en aller pour de bon. Il crut devenir fou lorsqu'il perçut la saveur âcre et grasse d'une langue qu'il n'avait jamais entendu. Cela n'était pas humain. Il perdit à nouveau la course du temps, flotta une éternité dans les limbes, et revint vers l'étranger. Une lueur apparut, et il trouva un point pour se retenir et rester dans cette étrange réalité. Il comprit qu'il ne rêvait pas, mais que la voix s'écoulait en lui. Cela ressemblait à ce que les implants de communications lui permettait de faire, mais les mots n'avaient pas la même consistance, la même couleur. Cette fois-ci, cela le touchait à un niveau beaucoup plus profond.

La voix ne se montrait plus menaçante. L'étranger semblait être là pour l'aider. Douloureusement, il reprit la mesure de sa situation, quelques bribes d'image envahirent son esprit et troublèrent le calme que l'étranger et sa voix avaient instillé en lui. Il se savait blessé.

- Je suis venu en paix.

Ce n'était pas ce qu'il entendit, mais bien ce que comprit Guillhem. Une sensation étrange. Le sens se passait des mots, des images. Un langage qui lui semblait à la fois familier et nouveau.

- Je ne veux plus souffrir.

Contre sa volonté, son corps s'exprima en premier. Il ne pouvait que constater, impuissant, les événements s’enchaîner.

- Je trouverais le moyen de t'aider. Les secours viendront. Tu pourras guérir.
- Allez vous en.


Guillhem se serait maudit d'avoir eut une telle pensée. Mais il était las, tellement fatigué, et il ne comprenait rien de cette étrange expérience. Il pensa qu'il délirait. La voix répondit, comme un écho dans la nuit.

- Je resterai avec toi jusqu'à ce que tout aille bien.

L'expérience le troublait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. La toile rigide et glacée de la réalité se délitait en longue traînées de tissu, et comme un naufragé en perdition, Guillhem tentait d'agripper tout ce qui se présentait sous sa main. Tout semblait exister par cette voix étrange et profonde, tout ce qui pouvait être sa perdition comme son sauvetage.

Un réflexe venu du fond de son être surgit, couteau armant un poing dressé vers le ciel. Une longue coupure fendit la trame de ce mystère. Guillhem perçut la voix s'éloigner, tandis que les ténèbres de la folie se pressait au dessus de lui.


Flinn resta interdit. Il n'avait plus connue cette expérience depuis tant d'années. Plus troublant encore, comment un humain, un être aussi simple, chétif et mourant de surcroît, pouvait réveiller en lui cette sensation si particulière ? Hhrodat' disaient les légendes, pour évoquer cette expérience de deux conscience en contact si rapprochés, affranchis de la contingence des lois physiques. Télépathie, pour les humains, particulièrement inaptes à ce type de pratique. Et lui-même, talent latent de ce hhrodat' lointain, qui allait de paire avec l'histoire si héroïque et si tragique qui avait mené le peuple Naneyë à l'état de régression que Flinn lui connaissait si bien.

- Vous l'avez sentit ?

Litj répondit par le biais de sa radio, surpris.

- Sentit quoi, mon commandant ?
- Le mourant, reprit Flinn. Il a fait ... quelque chose d'assez exceptionnel.

Flinn se maudit de manquer de clarté à ce point. Ça ne ressemblait pas à un hhrodath, mais s'en était un, authentique, véritable. Le soldat Naneyë avait sentit l'esprit de son frère humain, et sans qu'un traître mot ne soit échangés, ils avaient communiqué de la façon la plus fidèle possible. Flinn avait vu la douleur, la folie, l'égarement de l'esprit du garçon. Il avait perçu un gouffre sombre, un abyme sans fin où il menaçait de tomber lui-même. Tout au fond, pierre incandescentes, se lovaient les souvenirs du blessé. "De la douleur à n'en plus finir" songea l'officier. Il avait pleinement conscience que le jeune homme dont la dépouille en sueur se crispait à ses pieds n'était pas un être commun. Et que plus que son don, c'était ce passé si noir et si mortifiant qui en faisait une véritable aubaine pour sa situation.

Flinn retint un sourire carnassier. Pour peu qu'il sauve cet aristocrate, il serait couvert de gloire.

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